L’EMBLÈME DU GOLFE 

Sur ses 1 000km de côtes, la Corse est constellée de tours génoises. Leur construction a débuté au début du XVIe siècle et duré près de 200 ans. Cette fortification hâtive de l’île n’est pas un hasard. Elle correspond à une nécessité soudaine de mettre en place un moyen de défense efficace contre des invasions alors inattendues, celles des barbares… Un demi-siècle plus tôt, la chute de Constantinople aux mains des Turcs semait une vague d’invasions barbaresques dans toute la Méditerranée. Prise d’assaut, la Corse n’eut  d’autre choix que de renforcer son littoral et la république de Gènes commanda la construction d’une centaine de tours en un siècle. Ces nids-de-pie placés en avant-poste, la plupart du temps à flanc de falaise ou en bord de mer, prévenaient et défendaient de tous les dangers venant de la mer. Grâce à un système de communication par signaux de feu, les tours pouvaient lancer l’alerte et annoncer la venue d’un envahisseur potentiel. À cette époque, 3h suffisaient à ce que le message fasse le tour de l’île. En 1 730 la Corse comptait 120 tours dont 30 dans le Cap Corse. À l’heure actuelle, on en dénombre 67 encore debout.

Aujourd’hui la tour est en état de ruine consolidée. Bâtie à fleur d’eau sur un bloc de roche, elle ne présente désormais plus que le pan de mur de la face nord, le seul à avoir pu être restauré. La face sud, entièrement détruite, laisse une ouverture de plus de moitié sur l’intérieur de l’édifice. Une fois sur place, on peut alors se rendre compte de l’épaisseur de ses murs (environ 1m50). Comme toutes les tours génoises, elle se composait de deux à trois niveaux et d’une terrasse. Au premier niveau se trouvait la réserve. On y stockait les vivres mais surtout l’eau grâce à un réservoir directement alimenté par les eaux de pluie de la terrasse. Au second et troisième niveau, la salle de repos et la salle de garde étaient les endroits ou les hommes de la garnison passaient la plupart de temps et guettaient l’horizon à travers les meurtrières. Les « torregiani » n’étaient pas vraiment des soldats mais plutôt des gardiens recrutés parmi les habitants. Leur rôle principal était de guetter l’horizon deux fois par jour en grimpant sur la terrasse afin de prévenir les autres tours et la population de l’arrivée éventuelle de pirates et corsaires. En cas d’alerte, le signal était donné sous forme de feu ou d’un son de culombu (conque marine). Mais en réalité les tours servaient plus souvent à des postes douaniers qu’à des édifices militaires, et les torregiani se concentraient d’avantage sur le commerce maritime de marchandises ou la perception de diverses taxes…


Depuis toujours, la « torra di Mortella » a une grande valeur sentimentale pour les Saint-Florentins. Elle est le symbole d’un peuple combattant pour sa liberté et résistant à l’envahisseur. À l’image de ses murs à demi détruis par les canons, mais qui demeurent  encore debout… Tout un symbole qui donne un sens à la devise « A spessu conquista mai sottumessa » ( Souvent conquise, jamais soumise ).